Vendanges tardives
Sur les coteaux de Monbazillac, les vendanges sont toujours plus tardives qu’ailleurs. Les viticulteurs attendent souvent la fin du mois du septembre avant de lancer leur armée de sécateurs dans les vignes. Alors que l’ été s’étiole doucement, les raisins sont couverts d’une pellicule sombre qui laisse échapper des volutes de poussières sucrées : les scientifiques appellent ça « le botrytis cirinea », les vignerons « la pourriture noble ».
Manipuler le raisin dans ces conditions demande beaucoup d’expérience et de dextérité. Vigneron indépendant installé au cœur de l’appellation monbazillac, Vincent Rousserie fait confiance à ses vendangeurs pour ramasser ces grappes qui valent de l’or. Tôt le matin, alors que la brume commence tout juste à lever le camp, les troupes se pressent au pied des rangées de vignes et remplissent avec application leur panier de raisins. Les bottes s’enfoncent dans la terre mouillée par la pluie de la veille, les mains se couvrent de paillettes légèrement ocre qui collent à la peau. Les corps résistent, mais déjà les dos souffrent.
Patron des opérations, Vincent conduit le tracteur qui tracte le tombereau de raisins. Malgré ornières qui jalonnent la vigne, il s’efforce d’aller au plus près de ses vendangeurs : « la cueillette des raisins est suffisamment pénible comme ça pour ne pas leur infliger une peine supplémentaire », explique le viticulteur.
La récolte promet d’être belle : les raisins sont gorgés de soleil et la pourriture noble s’évanouit au fond des paniers avec la force du sirocco qui soulève le sable du Sahara.