C’est un repaire de potes, un bistrot de copains planqué à l’ombre d’une tranquille église romane. Kir pour Momo, bière pour Pierrot et pastis pour Jeannot : autour du comptoir, les habitués sirotent la vie au fond de leur verre opaque. Les plus bavards taquinent leur voisin : Macron, Juppé, Sarko, on refait le monde en attendant de payer sa tournée.
Mi-café, mi-restaurant, « Chez Gilles » est une institution. À l’ancienne. Avec son comptoir usé par les coudes fatigués, ses tables de café parisiens et sa tapisserie d’époque, certains diront « vintage ». Début du festin à midi pile. Pâté en croûte en guise de mise en bouche, tête de veaux en suivant, et tarte belle maman pour finir. Torchon sur l’épaule, Gilles y sert de tout. Tout sauf des assiettes maigrichonnes. À mille lieux des restos guindés, ici, la table est familiale, chaleureuse, toujours copieuse.
Menacé par la désertification rurale, ce repaire d’hédonistes a bien failli disparaître. Mais c’était compter sans la détermination de Gilles qui, à 50 ans passés s’accroche au zinc. C’est affiché sur le mur, presque tatoué dans son dos. « Leffe toi et marche », Gilles ne connaît pas d’autre slogan.