Nous voyons régulièrement des reportages sur la rudesse des conditions de vie des mineurs mongols. Pour me faire ma propre opinion, j’ai décidé de vivre en immersion avec une famille de mineurs en Mongolie. Quoi de mieux en effet pour être au plus proche de la réalité que de vivre avec eux ? J’ai donc vécu 24 heures sur 24 pendant plus d’une semaine avec Baasan, Byamba et leurs quatre enfants. Tous partagent la même yourte dans le district de Nalaikh, près d’Oulanbator. Le secteur est connu pour alimenter en charbon la quasi totalité des foyers de la capitale mongole.
Baasan travaille dans une mine clandestine de Nalaikh. En 1991, la chute de l’URSS couplée à une explosion responsable de la mort d’une trentaine de mineurs a eu raison de l’extraction légale de charbon[1]. Réduits à la semi-clandestinité, Baasan et sa famille vivent sur un terrain vague avec pour seul horizon une décharge de déchets à ciel ouvert et quelques immeubles en ruine, dernier témoin silencieux de l’âge d’or de l’activité minière soviétique. Pareils à des « ninjas » (c’est ainsi que la population mongole appelle ces forçats de la mine), sans autres équipements qu’un casque et une lampe torche, Baasan et plusieurs centaines d’hommes descendent quotidiennement par 160 mètres de fond, pour une durée qui dépasse souvent les 24 heures au plus fort de l’hiver. La précarité des conditions de travail, sources d’accidents et de maladies (cardiaques ou respiratoires) pousse souvent les mineurs à boire pour se donner du courage…
Pendant ma semaine d’immersion, j’ai fait la connaissance d’Otgondavaa, le benjamin de la famille, très proche de son père. Âgé de quatre ans, ce petit être haut comme trois pommes occupe une place importante dans la famille. Doté d’un caractère bien trempé, il incarne à lui seul le modèle d’éducation « à la mongole », qui laisse une part de liberté bien plus grande que dans les pays occidentaux aux enfants. Au milieu des paysages lunaires bosselés de cratères qui sont autant de terrains de jeu pour une progéniture livrée à elle-même, Otgondavaa joue, boude, rit, se bagarre avec ses frères sans que ses parents ne trouvent à redire à son tempérament de casse-cou. Deviendra-t-il mineur à son tour ? L’histoire n’est pas écrite : l’aîné de la famille suit des études dans une structure bouddhiste et ses deux autres frères ont la réputation d’être aussi doués à l’école qu’aux échecs. Autant d’éléments qui incitent à porter un regard plus contrasté, moins misérabiliste, sur le quotidien des mineurs mongols, chez qui l’optimisme est une seconde peau.
[1] Jusqu’au début des années 90 et la chute de l’URSS, plus d’un millier d’ouvriers étaient conduits quotidiennement vers les mines grâce au chemin de fer.